Il y a des jeux qu’on apprécie pour leurs règles, leur univers et d’autres parce qu’ils nous ont apporté de bonnes parties. RoleMaster fait partie des jeux pour lesquels il est plus facile de trouver des joueurs réticents que des passionnés, pourtant, au-delà de la lourdeur et la complexité de ses règles, de son absence d’univers officiel, il est sans doute l’un des jeux de rôles les plus légendaires. Il s’est surtout fait connaître pour ses improbables tables de coups critiques mais aussi pour sa version allégée intégrée dans JRTM (Jeu de Rôle de la Terres du Milieu). Comme beaucoup, c’est par JRTM que je suis arrivé à RoleMaster, et c’est dans la Terre du Milieu revue et ré-imaginée par Pete Fenlon que j’ai fait jouer l’une de mes plus longues campagnes.
Un jeu ? non, un recueil technique !
Car oui, jouer à RoleMaster, ça se mérite… c’est peut-être pour cela que beaucoup de monde déteste ce jeu car, seuls les meilleurs ont le privilège de rejoindre une table du seul jeu qui vaut la peine d’être joué… bon, ne fait, non, beaucoup haïssent ce jeu car il est l’exemple même du jeu trop lourd, trop complexe, trop, trop tout quoi… La version la plus aboutie du système, c’est à dire Standard System (1995) et Fantasy Roleplay (1999) a été une refonte complète d’un jeu qui n’avait quasiment pas évolué depuis 1980. Les concepts clés furent conservés, mais repensé, ré-écrits, ré-imaginés.
RuleMonster… euh non, RoleMaster, qu’est-ce donc ? Tout d’abord, le jeu repose sur un trio de livres composé du Manuel des Personnages (Characters Law), du Manuel des Combats (Arms Law) et du Manuel des Sorts (Spell Law). Compilant un minimum de 300 pages de règles sans le moindre background, il est peut-être l’un des jeux les plus indigestes. Pour combler le tout, la première édition française pouvait être complétée d’une demi-douzaine de Compagnons pour donner l’impression que le jeu est un petit peu plus évoluer que « moi voie, moi tape » (et oui, détaillé sur 300 pages de règles !). On y trouvait par exemple, un système de compétences diverses, quelques nouvelles classes de personnages, des monstres… et des règles totalement improbables comme par exemple dans le Premier Compagnon, une règle sur le facteur d’inertie alchimique pour déterminer la difficulté d’enchantement d’un objet selon le matériau utilisé ! J’oserais aussi rappeler que RoleMaster est le seul jeu à proposer 6 variantes du semi-elfe… et des demi-nains (qui ont aussi été ajouté dans JRTM sous le nom d’Umli, mais ça, c’est une autre histoire) ! RoleMaster Standard System a fait table rase de ces délires pour revenir à un jeu plus fonctionnel, intégrant les compétences diverses comme toutes les autres compétences, revoyant le système de progression et de création de personnage, mais sans pour autant revenir sur la logique de base : il faut souffrir pour jouer.
RoleMaster et les règles
Les règles sont, toutefois, un modèle d’homogénéité ! Tout se joue uniquement avec 1D100. Lorsqu’il est nécessaire de tester une action, il suffit de lancer 1D100 + score de compétence et passer une difficulté (en général plus de 75)… le D100 explose sur un résultat entre 96 et 100 (on relance et on ajoute), mais aussi sur un résultat de 01 à 05 (on relance et on soustrait)… tout ceci est plutôt une bonne nouvelle, sauf qu’un personnage est déterminé par dix caractéristiques, 48 groupes de compétences (j’ai bien dit groupe, ce qui veut dire qu’il y a plus d’une compétence par groupe !) et il peut appartenir à l’une des 20 classes de personnages ! Mathématiciens, comptables, fétichistes d’Excel, ce jeu est une ode aux tableaux en tout genre : imaginez, chaque groupe de compétences dispose de son propre tableau de résultat des actions ! C’est pas magique ? Un véritable poème !
Sinon, ça reste classique, on joue dans un univers médiéval fantastique avec des elfes, des nains, des guerriers, des magiciens… quel univers ? et bien, une fois que vous aurez digéré les 345 pages de RoleMaster Standard Rules (le Characters Law de RMSS), il faudra trouver une idée d’univers, parce qu’à aucun moment les auteurs ont jugé utile d’en décrire un… j’ai bien dit, RoleMaster ça se mérite !
La progression des personnages fonctionne sur un système de niveau, chaque changement de niveau apportant un nouveau pan de points de développement à répartir dans les compétences, le coût de progression étant déterminé par la classe. Chose tout de même intéressante, les magiciens, sorciers et tout autre utilisateur de la magie apprennent leurs sorts par listes… c’est bien la seule chose simple de ce jeu !
RoleMaster et les combats
Toute la grandeur et la splendeur de RoleMaster se trouve dans Arms Law ! Ici, pas de jets de dés pour déterminer les dommages, Arms Law propose un tableau de dommage pleine page A4 par arme, sur … 58 pages ! Comparez le résultat d’attaque à la classe d’armure de la cible pour déterminer les dommages qui devront être encaissés… un petit exemple, si je touche mon adversaire en armure légère (CA7) avec un score de 102 et une épée courte (page 51 de Arms Law), il subira un 10BK !
Entendez par là, qu’il perd 10 points de vie, et qu’il prend un coup critique B d’écrasement (K pour Krush)… je relance un D100 pour déterminer le coup critique sur la table des coups critiques d’écrasement… et genre, si je fais 38 :
« Blow to foe’s left calf. You gain initiative. with leg greaves : +9H – 2%, w/o : +6H 2(-20) »
Derrière cette langue ésotérique se cache en fait le gain de l’initiative au round suivant pour l’attaquant et l’adversaire mange un tout petit peu plus (9 ou 6 points de vie encore en mois et 2 rounds de malus d’attaque)… avec un 97, ça pardonne pas, c’est la fin :
« Blast foe’s chest. Send ribcage into heart. Foe drop and dies in 6 rounds. (-20) »
Oui, car en plus, ce jeu est juste sadique, totalement sadique… un personnage niveau 20 peut finir avec un tendon arraché, éborgné, émasculé en quelques rounds contre des gobelins. La description des coups critiques est toujours un moment jouissif, sauf pour le triste joueur qui, en plus de perdre son personnage dans une gerbe de sang, de glaires et de sueur, va en plus devoir se taper 3 heures de création d’un nouveau personnage.
Les coups critiques c’est une chose, les échecs critiques sont tout aussi violent ! C’est ainsi que sur un échec critique sur le lancement d’un sort un mago peut être lobotomisé ou brûlé, qu’en maniant un arc, on peut perdre quelques doigts, … bref, un combat fini très souvent en carnage et ce n’est pas le niveau et l’expérience des personnages qui va déterminer l’issue ! Vendu en kit, RoleMaster Standard System proposait même de transposer Arms Law à n’importe quel autre système de jeu… bah, j’ai bien proposé à mes joueurs de faire un Cthulhu avec des combats gérés par Arms Law… depuis je ne les voie plus !
Est-ce un mauvais jeu ?
RoleMaster est à mon sens tout sauf un mauvais jeu, il n’est pas non plus un très bon jeu, mais passé ses difficultés, il est un très bon défouloir comme on peut les apprécier, car oui, c’est un jeu bourrin, guerrier, où le combat est au cœur de l’action, où Excel est le meilleur compagnon de route et où tout événement peut donner naissance à une formule de calcul. En tout cas, il est l’un des rares jeu où, même le plus aguérri des héros peut finir tué par la flèche d’un orc, où le plus petit et insignifiant des hobbits peut détruire une liche d’une attaque sournoise… à croire que Tolkien était le premier maître de jeu à RoleMaster.
Crédits photograhiques : moi-même et mon RoleMaster Standard System à moi