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Faire jouer… les enfants (1/2)

Temps de lecture : 7 minutes

Le jeu de rôle avec des enfants est un très bon outil d’éducation populaire1 car, au delà de son intérêt ludique, il est aussi un loisir favorisant les interactions sociales et l’ouverture culturelle.

Mais faire jouer des enfants n’est pas une chose aisée pour beaucoup de rôlistes. Cependant, il faut prendre pas mal de distance des pratiques habituelles autant sur les jeux, les durées que les thématiques.

Depuis 2016, nous faisons régulièrement jouer des enfants avec quelques expériences ponctuelles sur des plus jeunes même. Je vous propose donc un petit retour de ces expériences de jeux avec des enfants.

En pleine partie de D-Start, une partie animée par un jeune MJ de 10 ans.
En pleine partie de D-Start, une partie animée par un jeune MJ de 10 ans.

Avec des enfants de quel âge ?

Expliquer les principes du jeu de rôle au jeune public n’est pas très compliqué, c’est un jeu qu’ils pratiquent déjà de façon informelle. Raconter une histoire avec des figurines, avec des personnages d’un jeu de construction, ou soi-même en jouant à être quelqu’un d’autre reste une forme de jeu de rôle sont donc des pratiques habituelles.

Savoir lire, écrire, compter deviennent vite les principaux pré-requis pour jouer aux jeux de rôle. Pourtant, la principale compétence attendue reste l’écoute et la capacité à verbaliser son action. La limitation est donc plus technique, elle dépend principalement des jeux utilisés et de leurs mécaniques.

Âge minimum4 ans6 ans8 ans
Niveau scolaireMaternelleDébut primaireMi-primaire
S’exprimer☑️☑️☑️
Lire☑️☑️
CompterComparerAdditions☑️
ÉcrireTextes simples☑️
Quelques guides sur les compétences attendues en expression, lecture, écriture et comptage d’un enfant

Légende : ☑️ possible ❌ impossible

S’exprimer

Tout d’abord, le principal pré-requis reste la capacité à s’exprimer. Il est nécessaire que l’enfant soit capable de décrire les actions tentées par son personnage pour participer à la partie. Bien qu’il soit difficile de se contenter de moins, il serait possible d’adapter la partie à une sorte de compte interactif où on demanderait simplement de faire un choix entre différentes possibilités.

Lire

Savoir lire est un autre pré-requis important dans la plupart des mécaniques de jeu, mais il est facilement contourné. Icônes, symboles, règles simples, beaucoup de jeux pour le jeune public effacent ce pré-requis.

Écrire

Là, c’est le principal problème des mécaniques de jeux « classiques », qui partent du principe que les participants vont être capable d’écrire : équipement, spécialités, classes. De plus, avec parfois des termes compliqués car peu utilisés voire même inventés qui vont être autant de freins pour un joueur à l’écriture d’un mot sur sa fiche.

Compter

Enfin, le jeu de rôle « ça se joue avec des dés »… et oui, et là, c’est une autre difficulté portée par les mécaniques de jeux « classiques ». Lancés de dés, ajout de scores, comparaisons des résultats. Cependant toutes ces étapes prennent du temps pour les enfants. La mécanique la plus simple et rapide reste de comparer un sans aucun calcul. Même très jeune, il sera facile de faire comparer des dés à points à des enfants. Ensuite, il sera possible de leurs faire ajouter des scores « simple » à un dé.

La durée d’une partie pour enfants

Ce point est sans doute le plus difficile à juger. Il faut un bon rapport entre les enjeux de la partie et la durée de concentration. Pour ce dernier point, on oublie tout de suite la rumeur comme quoi tous les enfants décrochent vite, c’est faux, archi-faux.

En fait, ils vont décrocher s’ils s’ennuient, s’ils n’ont pas l’impression d’être au cœur de l’attention et de l’histoire. Lorsque l’histoire va piétiner ou qu’ils se sentent frustrés par une mécanique de jeu trop punitive, ils vont vite décrocher… Tout autant que des adultes au passage.

Salon des littératures maudite 2016
Parties lors du salon des littératures maudites avec des enfants (11 à 16 ans).

Implication pour limiter le décrochage

D’abord, les personnages joués par les enfants doivent être sur le devant sur la scène. Ils ne sont pas des seconds rôles réalisant les actions d’un super-PNJ qui les guide, mais bien les acteurs de leur réussite. Même si l’idée du mentor qui accompagne les personnages est bonne, il doit savoir s’effacer. Son intervention sera louable lorsque la situation piétine.

Lever les impasses

Lorsque la mécanique est trop punitive et que les « bonnes idées » échouent suite aux jets de dés, la frustration des joueurs va vite monter. Quoi qu’il arrive, les impasses doivent pouvoir être facilement levées : la suite de l’histoire ne doit pas reposer uniquement sur la réussite d’un jet de dés.

Durée raisonnable d’une partie

Finalement, prévoyez une durée d’une heure de jeu pour les plus jeunes (jusqu’à 6 ans) et pourquoi pas jusqu’à 2h pour les plus grands. Attention aux durées trop courtes provoquant des parties qui finissent en queue de poisson…

Attention ! Les enfants ne sont pas crédules

Enfin, il y a une certaine croyance rôliste qui considère que tous les enfants sont crédules à table. C’est absolument faux.

Si vous pensiez pouvoir vous en tirer avec un tour de passe-passe lors de la partie, sachez que ça ne fonctionnera pas. Au mieux, il deviendra une source de questionnements. Au pire, ils provoqueront un rejet collectif de la scène. Donc, bannissez les artifices classiques, tels que le méchant qui a la bonne parade à l’idée inattendue des personnages. S’ils arrivent avec une bonne idée à déjouer les adversités, acceptez et félicitez vos joueurs !

Enfin, les règles doivent être appliquées sans tricher, encore plus avec des enfants. Jouez vos lancers devant eux et expliquez les résultats. Ne trichez pas pour préserver la vie d’un personnage ou d’un PNJ important. Ce tour de passe-passe « admissible » pour des rôlistes, l’est pas du tout pour une table d’enfants. Ils auront l’impression que le résultat est convenu d’avance et qu’ils n’ont aucune emprise sur le jeu.

Bref, les supercheries de MJ pour relancer ou faire avancer l’histoire ne marcheront pas et mettront plutôt en évidence un déséquilibre entre les joueurs et le meneur qui aura tendance à faire décrocher les jeunes joueurs.

Qu’est ce que ça apporte aux enfants ?

Faire passer un bon moment ? Oui, très bien, mais pas seulement. Si le but était simplement d’occuper des enfants autour d’une table, n’importe qui pourrait trouver des animations tout aussi captivantes et amusantes à proposer, sans doute, moins lourde à gérer.

Alors, pourquoi proposer du jeu de rôle à des enfants ? A mon avis, il y a plusieurs réponses.

L’imagination fertile des enfants

D’abord, les enfants sont réceptifs au jeu de rôle. Comme déjà précisé en intro, beaucoup de jeux pour enfants sollicitent leur imaginaire pour se raconter ou raconter collectivement une histoire : des jeux de construction en passant aux figurines diverses, des jeux de sociétés aux grands jeux proposés dans les centres aérés.

Le jeune public est souvent plus imaginatif que ce que nous pourrions le croire. Pour ma part, j’ai été confronté à des solutions bien plus innovantes de la part d’enfants que d’adultes sur les mêmes parties de découvertes !

Tentez une partie de Cos’île avec des enfants. L’île va se dessiner à grande vitesse et tous réagirons aux différents événements qui vont se produire. A l’opposé, j’ai connu des galères incroyables sur des parties de Une année de répit. Même si le jeu partage la même mécanique, beaucoup adultes, même rôlistes, hésitent à prendre le crayon pour dessiner un lieu sur la carte. Je ne parle même pas des réactions aux cartes événements !

Bref, les enfants débordent d’imagination, c’est le principal levier pour lancer la partie !

Une culture déjà présente

Ensuite, un grand nombre de jeux vidéos utilisent les concepts du jeu de rôle. Points de vie, expérience, progression… Les enfants ne seront donc pas du tout en terrain inconnu lors de la partie et s’adapteront sans doute très facilement. De plus, vous leur offrez un temps hors des écrans pour jouer à l’équivalent de leurs jeux vidéos favoris !

En outre, les thématiques de beaucoup de jeux sont déjà présentent dans leurs lectures, jeux, univers de fictions… De Harry Potter à Star Wars, presque tous les grands thèmes du jeu de rôle sont déjà intégrés à la culture des enfants.

Autre partie de D-Start avec une jeune MJ costumée en élève de Poudlard !
Autre partie de D-Start avec une jeune MJ costumée en élève de Poudlard !

Un jeu pédagogique

Le jeu de rôle est un très bon entraînement qui peut aider à toutes les compétences scolaires : lecture, écriture, expression, mathématiques. Il est plus facile d’apprendre en s’amusant et le jeu de rôle le confirme.

Comparer le résultat d’un dé à un nombre, classer les dés, additionner et soustraire des chiffres simples… Tout un éventail de réflexes mathématiques qui vont intervenir durant toute la partie.

Sans compter une compétence souvent minorée : l’expression orale. Puisque le jeu de rôle repose essentiellement sur l’oral, transmettre une idée, expliquer, mais aussi convaincre, vont être des compétences constamment mobilisées pendant la partie.

Toutefois, il faudra faire preuve de vigilance sur les difficultés que peuvent rencontrer les enfants lors de la partie. N’imposez pas à l’un d’eux de lire un texte à haute voix s’il a des difficultés. Aidez-le ou transmettez la suite au suivant.

Un jeu social

Le jeu de rôle reste un jeu de société2, par conséquent, le partage du temps de parole, l’écoute des autres et la collaboration vont être au cœur du jeu.

D’abord, le jeu de rôle permet d’apprendre à s’écouter et à partager la parole. Avec des enfants, il est indispensable de poser des règles dès le début de la partie. Pour ma part, je maintiens des tours de table durant toute la partie. Cependant, n’oubliez jamais de :

  • Veiller au temps de parole des enfants les plus à l’aise pour ne pas qu’ils prennent le pas sur toute la partie.
  • Tenter d’obtenir l’avis de ceux qui le sont moins en réutilisant une proposition d’un autre joueur.

En outre, il est possible d’impliquer toute la table dans un choix en votant. Lorsque la situation se produit, interrogez-les sur les raisons de leurs choix et dirigez les vers un consensus acceptable.

Un jeu collaboratif

Enfin, il offre aux enfants un temps de jeu collaboratif et participatif. Ils vont vite se rendre compte que la cohésion et le travail d’équipe leur permet d’aller plus loin qu’en la jouant individuel. À mon avis, il faut opter au maximum sur des situations où le travail d’équipe va être la solution salutaire.

À bientôt les enfants !

Et la suite ? Et bien, nous parlerons de comment faire jouer concrètement une table d’enfants et des jeux les plus propices à cette activité. Les propos se termineront sur comment faire faire jouer des enfants (oui, j’ai bien répéter deux fois « faire »).

  1. Avant d’entendre les pires bêtises sur le sujet de l’éducation populaire, rappelons simplement qu’elle désigne toute forme d’éducation au delà de l’école, celle à laquelle par exemple participent les associations culturelles, les centres sociaux et les autres acteurs éducatifs…
  2. un jeu qui se pratique à plusieurs, oui un jeu de rôle se pratique à plusieurs, c’est donc un jeu de société
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