Écrire son jeu de rôle. Je ne pense pas me tromper en affirmant qu’au moins la moitié des rôlistes ont dû s’essayer une fois dans leur vie à cet exercice. Plus rares sont ceux qui ont fini par aboutir à un résultat concret, édité et joué par un cercle plus important que celui de leurs amis. Il faut dire que, si tout le monde peut prendre sa plume pour coucher sur papier ses idées extravagantes, parvenir à proposer un jeu complet et jouable est un travail de longue haleine.
Pour ne rien vous cacher, je suis loin de voir le bout du chemin avec le jeu que je suis en train de développer et dont je vais vous parler dans cet article. Cependant, je ne suis pas pressé et, pas à pas, étape après étape, je compte bien finir par vous proposer « Ardri : les guerriers d’Enorhim », que ce soit avec ou sans l’aide d’éditeurs classiques, grâce, entre-autres, à la magie d’internet (enfin, si cette magie ne s’éteint pas dans les prochaines années).
Aussi, ce qui va suivre n’est pas un guide de création. Ce que vous allez lire est un témoignage dans lequel, moi, Bigyo’, je vous expliquerai pourquoi je me suis lancé ce défi, comment « Ardri » prend forme, et ce que j’envisage pour faire face aux prochaines difficultés.
L’imagination trouve toujours un chemin
Créer des univers et inventer des concepts de jeu sont des activités auxquelles je m’adonne assez régulièrement. Il suffit que je sois mis au contact de quelque chose qui m’inspire ou qui me fasse rêver et ça fait « schboum » là dedans. Et cela bien avant que je ne découvre le jeu de rôle en 2003 (en tout cas pour la création de mondes et d’univers !).
Pour « Ardri », le déclic s’est fait aux alentours d’avril ou de mai 2016. J’étais en PVT en Nouvelle-Zélande à un moment où j’étais plutôt en mode « travail » qu’en mode « vacances ». Durant cette période, économisant pour pouvoir repartir en road-trip, je dois avouer que je m’ennuyais ferme durant mon temps libre. Je me suis donc naturellement tourné vers mon loisir préféré. J’ai ressuscité mon blog et m’attelais à développer un autre jeu, « Déferlantes », sur lequel j’avais déjà passé de nombreuses heures depuis une bonne année.
Un soir (ou une après-midi, je ne sais plus), je me suis mis à dessiner une carte sur « hexographer », et celle-ci a vite ressemblé à une version déformée de l’Irlande. Il faut dire que, depuis que j’y ai vécu plusieurs mois, je suis complètement tombé amoureux de ce pays et qu’il nourrit chez moi une certaine obsession. De fil en aiguille, je me suis dit que ce serait marrant de faire un jeu de rôle sur l’Irlande et j’ai commencé à prendre quelques notes.
L’idée venait à peine de germer dans mon esprit. Ce n’est que quelques semaines plus tard que je me suis dit « mais oui c’est clair ! ». Petit à petit, « Déferlantes » est passé à la trappe et mon attention se portait de plus en plus sur ce nouveau projet. Mais, contrairement à d’habitude, je sentais derrière cette idée une motivation que je n’avais jamais eue jusque-là pour aucun de mes jeux maison. Je ne le savais pas encore mais j’allais déterminer que, pour ce jeu, j’irai jusqu’au bout ! Aujourd’hui « Déferlantes » n’est clairement plus d’actualité et « Sabotage », un autre jeu sur lequel je travaillais, est en pause (mais lui a un gros potentiel, je ne l’abandonnerai pas). En dehors de quelques escapades (concours de création, scénarios pour d’autres jeux, prises de notes d’idées pour plus tard) faites pour m’aérer la tête ou pour me prouver que je suis capable de toucher d’autres rôlistes (bonjour vieux traumatisme et syndrome de l’imposteur), ma volonté et ma motivation sont clairement entièrement dirigées vers « Ardri : les guerriers d’Enorhim ».
Démiurge
J’avais une carte, j’avais des notes, mais si je voulais pouvoir proposer quelque chose d’intéressant il me fallait organiser ma pensée. En premier lieu : que faire de ces premières idées ? Ça ne ressemblait pas à l’Irlande géographiquement parlant et mes notes s’inspiraient du pays mais ne collaient pas à la réalité. Il était clair dès que j’ai commencé à réellement travailler dessus que je voulais que ce jeu soit mon hommage à ce pays qui a changé ma vie. Alors, pourquoi ne pas utiliser l’Irlande réelle comme univers de jeu ? La perspective de faire se balader des PJ au pied du château de Killkenny avant d’aller boire un coup au pub de la sorcière Alice Kyteler suscitait déjà en moi une certaine excitation. Cependant, j’ai vite écarté l’idée. Plusieurs aspects de l’histoire et de la culture du pays m’intéressent, plusieurs aspects que j’aimerais proposer dans le jeu mais qui, dans la réalité, ne se sont pas forcément côtoyés à la même époque. J’aurais pu faire un jeu avec des éléments anachroniques mais m’appuyer sur un cadre bien réel me forçait à me limiter, ne serait-ce même que sur des détails. Je décidais donc de garder ma carte fictive et mes premières notes qui me permettraient d’exprimer ma créativité et mes envies en toute liberté. Rendre hommage et me faire plaisir : les deux premières pierres qui allaient orienter la construction du jeu.
La troisième allait être plus compliqué à poser et se définissait par la quintessence de notre loisir : le partage. Il ne s’agissait pas de faire un jeu juste pour ma pomme. Je devais organiser ma pensée selon cet objectif : le jeu finira par sortir. A ce stade je ne savais pas comment exactement, j’imaginais que je n’en ferai qu’un jeu amateur qui aurait dû mal à sortir de mon blog. Ceci-dit, comme les comiques aiment à faire rire, le créateur rôliste que je suis aime à faire rêver, et même ressent une certaine urgence à essayer de toucher le plus grand monde possible. J’aime ça, c’est ce que je fais de mieux, et c’est clairement une voie qu’il me faut embrasser pour mon propre équilibre. Je présente souvent ironiquement « Ardri » en disant que je fais ça pour la gloire, la renommée, l’argent facile et le succès. En réalité c’est bien la passion qui me pousse à relever ce défi et, avec ce jeu, j’en assouvis plusieurs à la fois.
Bref, avec cette troisième pierre, il me fallait également penser à ceux qui, plus tard, seraient tentés par mon jeu. Cette étape est très importante car elle éclaire sous un nouveau jour toutes les prises de décisions qui seront faites ensuite dans le jeu, aussi bien certains parti-pris de l’univers que la majorité des éléments du système. Cela remet vraiment tout en question. Par exemple : j’ai prévu de faire un jeu de rôle médiéval fantastique mais qu’est-ce qui le démarquera de la pléthore de jeux du genre ? Je dois déjà réaliser que, simplement par ce choix, je ne pourrais pas plaire à tout le monde et que les autres choix que je ferai devront convaincre ceux qui restent. Paye ta pression.
En même temps, j’ai vraiment très envie de faire ce médiéval fantastique, je ne vais pas renoncer à ça parce que le genre a été pompé jusqu’à la moelle. J’ai aussi mon mot à dire, ma vision, ma façon de jouer, et je pense sincèrement qu’elle peut intéresser d’autres joueurs que moi-même. Surtout que je crois très fort au potentiel de cet univers aux accents gaéliques, je sais qu’il en a dans le ventre et je dois le faire découvrir à d’autres rôlistes. Ça ne plaira pas à tout le monde, j’aurai des critiques, on me dira « encore un mec qui créé son jeu, mais c’est juste parce qu’il ne sait pas ce qui existe déjà, et de toute manière il n’ira pas loin », mais je dois m’accrocher, y croire et avancer. Et si je devais donner un conseil à mon niveau, c’est bien celui-là : il faut y croire !
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut perdre le sens des réalités. Si je veux toucher le plus grand monde, je dois tout de même prendre en compte les conseils que l’on me donnera ou que je pourrai lire de personnes expérimentées, et certains concepts théoriques sont à considérer avec la plus grande attention.
C’est avec cet état d’esprit que j’ai commencé à réfléchir au titre du jeu et au nom de l’île. J’ai très vite défini que l’un des enjeux de ma création tournerait autour de la politique. Je ne voulais pas faire qu’un jeu d’aventures et je voulais que les joueurs aient une vraie influence sur le monde. Le mot pour dire « Haut Roi » en gaélique m’est apparu comme une évidence : « Ard-Rí ». J’ai simplifié son écriture pour garder la distance fictive que je voulais donner à mon univers. Problème : ça n’évoquerait pas grand-chose à pas grand-monde, mais je vais y revenir plus tard.
Pour le nom de l’île je voulais quelque chose qui se rapproche d’Eirinn, le datif du nom gaélique de l’Irlande. J’avais d’abord pensé à Hibernia, son nom latin, mais ça ne faisait pas assez celte à mon goût et ça aurait pu induire les joueurs en erreur. J’ai finalement opté pour « Enorhim ». Tout comme les gaëls ont nommé leur terre Éire (ou Éirinn au datif) en hommage à la déesse Eriu, les celtes de mon univers (qui deviendront par la suite les keldes) ont nommé leur île en hommage à leur déesse Enoria. Cette volonté de m’inspirer du réel tout en gardant cette distance que me permet la fiction n’est pas un hasard, un caprice, ou un manque d’imagination. On ne créé vraiment rien. On s’inspire toujours de choses qui existent déjà. C’est d’autant plus vrai qu’à travers mon jeu c’est un hommage à l’Irlande que je veux rendre. Je veux que les joueurs qui joueront en « Enorhim » puis qui iront en Irlande, ou l’inverse, puissent faire des parallèles et des ponts entre le réel et l’imaginaire. Surtout, je veux que l’ensemble sonne familier. Là non plus, ce n’est pas qu’un caprice. Je veux convaincre ceux qui pourraient être attirés par ce monde. Je veux leur proposer quelque chose d’original mais avec des marqueurs familiers pour qu’ils puissent entrer plus facilement dans ce monde et se l’approprier rapidement. Ils auront suffisamment de noms compliqués dans le jeu qui les déstabiliseront, il faut que les concepts qu’ils rencontreront leur parlent au premier coup d’oeil. C’est pour cela que les celtes sont des keldes dans « Ardri », c’est pour ça que les vikings sont des danes et que, entre-autres, le prophète de la religion du jeu est un Archange. Enfin, c’est la raison qui fait que je n’ai pas opté uniquement pour « Ardri » comme titre pour mon jeu et que son nom complet est « Ardri : les guerriers d’Enorhim ». Il faut que ce soit le plus évocateur possible.
A partir de là, le reste de la construction coule de source. De parallèles en parallèles avec la véritable histoire irlandaise, je construis l’historique de l’île. J’y rajoute une pincée de mythe arthurien que j’affectionne depuis longtemps et qui va me permettre également de lier certains éléments fantastiques et historiques entre eux. Je pioche bien évidemment aussi dans le folklore celtique pour rajouter les Uilebeasts, ces créatures fantastiques qui viennent du Tirsidfern, sorte de Sidh dans le monde d’Ardri. Cette dernière composante, je la voulais pour plusieurs raisons : les mythes et les légendes sont encore très présents en Irlande, même de nos jours. Cela devait transparaître dans le jeu et avoir une réalité dans ce monde fictif pour apporter du contenu et mieux définir quelle sera la part d’étrange dans cet univers. Au final, la rencontre de l’histoire irlandaise, de son folklore et du mythe arthurien donne un mélange qui permettra aux joueurs de vivre des intrigues politiques qui détermineront le destin d’Enorhim sur une terre menacée par une engeance surnaturelle le tout dans un univers de low fantasy aux accents gaéliques.
A partir de là, Enorhim est devenu une réalité dans mon esprit et je suis encore en train d’écrire à son sujet pour lui donner toujours plus de profondeur, en essayant cependant d’éviter un piège : le monde encyclopédique. Par rapport à l’univers du jeu c’est maintenant le plus gros défi : donner corps à l’île Verdoyante sans en faire trop. Exercice sur lequel je planche toujours en ce moment.
Paver sa création de ses bonnes intentions et ne pas en faire un mauvais jeu
Créer un univers cohérent est une chose, mais dans « jeu de rôle », l’une des notions importante est celle de l’incarnation d’un personnage. Que va-t-on jouer dans le jeu ? Comment ? Pour quelle ambiance ? Les réponses à ces questions finissent de définir ce que deviendra le jeu. Cependant, elles n’ont pas été simple à trouver.
Il paraît que c’est une erreur à éviter à tout prix que de ne pas répondre à ces questions en tout premier lieu. Avec du recul, je pense qu’effectivement la construction de mon jeu, du point de vue des règles, aurait été plus simple si j’avais commencé par là. Cela ne veut pas dire pour autant que vous courrez droit dans le mur si vous ne commencez pas par ces points. En revanche, il est clair que ces questions doivent se poser, et le plus tôt possible semble être le mieux.
Pour ma part, mon cahier des charges avait commencé sans trop se préoccuper de ces points-là. Avant de penser au rôle, j’ai pensé à ce que je voulais que le système simule. Je voulais quelque chose de simple, quelque chose de ludique et qui colle à l’univers. Je voulais quelque chose qui permette de faire jouer plutôt dans du réalisme sans non plus tomber dans les travers de la simulation à outrance, quelque chose qui ressemble à ma manière de jouer. Étant donné mes habitudes de jeu, et mes influences (Warhammer V2, L5R, 7th Sea, Les Ombres d’Esteren, le Trône de Fer, etc), « Ardri » aurait inévitablement un système traditionnel, avec des dés, un MJ, des caractéristiques, etc. Dans ce cas là, pourquoi ne pas avoir repris tel quel les systèmes motorisant ces jeux ? Parce qu’à mes yeux, ces systèmes sont des monstres de mécanismes qui introduisent parfois des notions tactiques et avec lesquels, au final, on en vient toujours à zapper des règles pour rendre l’expérience ludique plus fluide. Loin de moi la prétention d’avoir trouvé le système parfait mais j’ai cherché à éviter ces défauts tout en y faisant coller l’univers du jeu.
L’aspect ludique et le côté divertissement priment clairement dans ma pratique. Laisser le hasard déterminer la réussite ou non d’une action et avoir parfois des conséquences inattendues dépendant de l’imagination des joueurs et du MJ sont des plaisirs avérés chez moi. J’ai lu pas mal de théories et de commentaires sur ce qu’il faut faire et ne pas faire et me suis vite rendu compte que ce n’était pas forcément compatible avec ce que moi je trouvais plaisant. Il a fallu que je trouve un compromis car, comme je l’ai dit plus haut, je ne fais pas « Ardri » uniquement pour ma pomme. A cela, je me suis rajouté comme contrainte que je voulais que les joueurs auto-gèrent leur personnage et que le MJ ne se concentre que sur la fluidité et la construction de l’histoire avec sa table. Il me fallait donc un système où le MJ n’aurait pas à déterminer une difficulté pour chaque action, et où la résolution serait simple : réussite ou échec. Je n’ai pas prévu de règles pour moduler le degré d’échec ou de réussite en mode « oui, oui mais, non mais, non ». A la place, j’ai choisi le compromis et j’explique clairement que, dans certaines situations, le jeu ne saurait se contenter d’un « ça loupe » et qu’apporter des rebondissements même en cas d’échec était préférable que de se retrouver « coincé ». On reste simple, on reste fluide, on donne des clefs, et on ne force personne dans la construction du récit. Pourquoi ? Pour s’adapter au plus grand monde. Des joueurs débutants ou ayant l’habitude de systèmes traditionnels ne vont pas devoir absolument trouver des rebondissements un peu mous là où la description d’un échec leur suffirait largement. De même, des joueurs plus prompts à l’improvisation pourront interpréter plus librement ces résultats.
Au fur et à mesure de ma réflexion, le cahier des charges augmentait : du hasard, du ludique, du simple, fluide, avec des dés mais pas pour le MJ, avec des caractéristiques et/ou des compétences mais pas trop, pour faire du « réaliste » mais pas de la simulation, le tout lié à l’univers du jeu.
En matière de simplicité et de hasard assumé, je trouvais que le D100 était plutôt bien placé. Mais quel serait son rapport avec mon univers ? J’ai alors pensé à la fameuse « luck of the Irish ». Ça a été ma seconde illumination concernant « Ardri ». Le système devait refléter cette chance, les croyances des habitants d’Enorhim, cela devait être un mélange entre les capacités des personnages et la bonne ou mauvaise fortune que les dieux voulaient bien leur accorder. Les caractéristiques, au nombre de trois, devenaient la Sainte Trinité. Le lien avec l’univers du jeu était fait et il faudrait jeter trois dés et avoir des résultats inférieurs ou égaux aux scores de ces caractéristiques pour qu’une action soit un succès (je ne vais pas détailler plus en avant le système, ce n’est pas le but de cet article, si vous voulez en savoir plus je vous invite plutôt à y jeter un œil dans la bêta du kit de démonstration disponible sur mon blog). Après quoi, il a fallu plonger les mains dans les probabilités pour déterminer comment allaient se comporter les trois dés et avoir un premier aperçu également de l’évolution des personnages.
Évoluer, oui, mais vers et depuis quoi ? A ce moment-là, je ne savais toujours pas précisément ce que les joueurs allaient incarner. J’avais certaines idées mais, là aussi, il a fallut organiser ma pensée. La définition du rôle des PJ devait aussi répondre à certains pré-requis : simple à créer, en accord avec l’univers et intéressant à jouer au sein du dit univers. Ce dernier point a été important dans la mise en place des profils que les joueurs pourraient incarner. J’ai très vite décidé qu’on ne pourrait pas jouer n’importe quoi. Dans « Ardri » je veux que les PJ puissent avoir une vraie influence sur leur monde et ce n’est pas avec « Jo le clodo », vieux serf havrésien qui n’a jamais quitté les alentours de son village, que cela pourrait se mettre en place. Il fallait que les PJ puissent gagner un minimum de prestige, sans non plus être trop proches des cercles les plus importants du pouvoir. Si on était au « Trône de fer », on jouerait ceux qui servent une Maison sans pour autant faire partie du cercle privé de son chef. Cette position « entre deux », issue et soutenue par le système, illustre au final l’ambiance qui se dégagera des parties et que j’ai fini par définir ainsi : « un ensemble réalisé pour raconter des histoires oscillant entre l’aventure épique et l’intrigue politique, entre un réalisme dur et une féerie sombre, entre l’inconnu du voyage et le réconfort du clan. »
Comme pour l’univers, une fois ces bases posées, le reste du système s’est étoffé : ajout de « compétences », règles de confrontation, détermination des critiques, règles sur les relations avec d’autres personnages, etc. Une première version alpha venait de voir le jour vers la fin d’année 2016.
Evolution et divination
La création du jeu ne s’arrête pourtant pas là. Tout en continuant de me documenter et de lire ce qui se fait dans d’autres créations (amateures ou non), j’ajoute, je modifie, j’ajuste certains points, mais ce qui va véritablement transformer le jeu vient des premiers retours que j’en ai eus. A ce niveau là, je pense que j’ai choisi le « hard way ». Étant dans une situation qui m’oblige à déménager souvent, j’ai dû tester « Ardri » auprès d’un public qui s’est toujours montré bienveillant mais avec lequel je n’avais pas de profondes attaches, m’évitant ainsi le piège d’avoir des joueurs déjà acquis à ma cause (à l’exception de ma compagne qui me soutient quoique je fasse et dont l’aide est plus que précieuse). Cela a donc été très vite le baptême du feu : en association, en convention et en virtuel. Les retours que j’ai eu m’ont permis d’accoucher de la 3ème Loi de Murphy (règle devenu essentielle dans le jeu) et de pousser la personnalisation à la création des personnages. Les réseaux sociaux m’ont également aidé à revoir les règles sur mes compétences, me permettant d’uniformiser un peu plus le système de jeu et de rendre l’expérience plus fluide. Au passage, j’en profite pour remercier Arnaud (auteur de Skeranan, en développement) et Alnomcys (auteur d’Emysfer) qui m’ont permis de faire des bonds en avant dans ma réflexion. Aussi, si je devais donner un autre conseil, c’est celui-ci : montrez votre création, faites-la jouer à des « inconnus » ! Vous saurez très vite si vos joueurs, vos joueuses et les personnes à qui vous parlez de votre jeu sont enthousiastes ou pas. S’ils ne le sont pas, il faudra revoir clairement la base de votre jeu. S’ils le sont, écoutez les, ils pourraient vous donner de bons conseils ! Cependant, il faut quand même éviter deux choses. La première est de tout prendre au pied de la lettre. En effet, vous ne pourrez pas satisfaire tout le monde. Ne prenez en compte que les conseils qui servent l’intérêt du jeu et qui vont au-delà du goût personnel. Par exemple : lors d’un concours de création, parmi les retours que j’ai eus, l’une des critiques était « je n’aime pas les jeux avec des dés ». Opinion tout à fait légitime s’il en est, elle n’est cependant d’aucune utilité dans ma recherche d’amélioration du jeu. En revanche, si cette personne m’avait suggéré d’utiliser autre chose que des dés pour mon système en expliquant ce que cela aurait pu apporter de plus à ma création, là j’aurais pris en considération sa critique pour y réfléchir et voir si cela allait vraiment apporter quelque chose au jeu.
L’autre aspect dont il faut se méfier est le suivant : vous êtes censé être le meilleur vendeur de votre jeu et c’est encore plus vrai si le système fonctionne avec un MJ que vous devriez forcément incarner. Il peut être difficile pour vos joueurs de faire la part des choses entre votre interprétation en tant que maître du jeu et la qualité intrinsèque de votre création. On le dit souvent : un mauvais jeu peut être sauvé par un bon meneur.
Il faudra donc à un moment donné confier votre bébé à un volontaire (d’ailleurs, si vous lisez ceci, j’en cherche !).
Pour revenir à « Ardri », je crois que j’ai posé les dernières pierres de l’édifice en fin 2017, en ajoutant des règles pour encourager l’interprétation de son PJ, en changeant les D10 que j’avais choisis au départ par des D12 (m’offrant une échelle mieux adaptée, notamment au niveau de l’évolution des personnages), en mettant en place une règle sur la Piété et en équilibrant les différents profils des personnages par l’utilisation de capacités (me permettant, par la même occasion, de mettre un peu plus en avant les « bardes » qui représentent un pan important de l’univers du jeu). A ce stade, le système est entier, il ne me reste plus qu’à faire quelques petits ajustements pour garantir son équilibre (par exemple, vérifier que les capacités ne soient pas trop exagérées ou au contraire plutôt inutiles).
Alors quel futur pour « Ardri » ? Dans un premier temps, il me faut finir l’équilibrage, continuer de le tester, continuer la rédaction avec pour objectif de proposer un kit de démonstration définitif et un site internet dédié en 2019.
Dans un second temps et parallèlement à ce premier objectif, il me faut faire découvrir le jeu au plus grand monde, sur les réseaux sociaux et lors de conventions. Un jeu étant fait pour se voir approprié par ceux qui y jouent, le but est alors d’intéresser un maximum de rôlistes, voire de créer une communauté autour du jeu.
Au final, mon but ultime est de vous proposer « Ardri : les guerriers d’Enorhim » à vous tous. Sous quel forme exactement ? Crowdfunding, site d’auto-édition, avec ou sans le soutien d’éditeurs classiques ? Il est trop tôt pour se prononcer. Surtout que, travaillant à mon rythme et avec mes contraintes, je n’ai pas de calendrier à proposer pour le moment, en dehors de mon premier objectif de 2019.
Un chouïa chaotique tout ça
Comme je vous l’avais annoncé au début de cet article, ce que vous venez de lire n’est que mon témoignage. Quelle valeur y apporter ? Je vous répondrai : celle qui vous semblera la plus juste.
Vous ne me connaissez pas, je n’ai rien publié nulle part et au mieux ai-je été bien classé dans un ou deux concours de création. Si vous êtes un professionnel du milieu et que vous avez pris du temps pour lire ce témoignage, je ne suis pas sûr que vous y ayez trouvé une quelconque utilité. Peut-être même que vous vous fendrez bien d’un conseil pour les autres lecteurs en leur disant de ne surtout pas suivre mon exemple. Si le temps vous donne raison, que mon projet n’avance pas plus loin que son stade actuel et que votre conseil dissuade de futurs créatifs de se lancer dans ce type d’aventure à ma manière, au moins cet article n’aura pas été si inutile.
Mais peut-être que vous êtes un amateur, comme moi. Un jeune créatif qui voit dans le jeu de rôle la meilleur façon d’exprimer son univers, comme moi. Peut-être que vous hésitez à vous lancer dans le grand bain. Peut-être que vous vous questionnez sur votre méthodologie. Vous remarquerez que la mienne n’est pas très carrée, mais sans suivre un schéma très strict, vous devez reconnaître que je ne fais pas ça non plus au doigt mouillé. Je me pose des objectifs, des contraintes, j’aborde des questions avec un certain angle de vue, etc. Je pense que c’est cela qui est essentiel à retenir ici. Ceci-dit, ne vous basez pas que sur moi. Si vous vous posez des questions, c’est déjà la bonne attitude à avoir ou, comme dirait « Sérial Râliste », c’est déjà faire de la théorie. Vous avez donc la volonté de vous améliorer, alors ne vous arrêtez pas à cet article. Allez lire celui d’Axelle Bouet, une vraie pro, dont les conseils sont disponibles sur ce site même. Allez lire tous les conseils que vous pourrez trouver, faites le tri, jetez les théories fumeuses et les opinions trop zélées de certains, gardez les avis les plus éclairés et faites vous votre propre expérience.
Vous ne me connaissez pas, et au mieux ai-je été bien classé dans quelques concours de création et pourtant, voilà que vous me lisez sur ce site. Aussi, même si « Ardri : les guerriers d’Enorhim » n’est pas encore le jeu du moment à soutenir sur Ulule, s’il est une leçon que j’ai apprise au cours de mon expérience et que je me dois de vous partager si vous hésitez à sortir vos meilleurs jeux de votre disque dur, c’est qu’il ne faut surtout pas hésiter. Certes, le marché est saturé, certes, tous les jours sur le web et les réseaux sociaux un nouvel inconnu nous vante les mérite de son jeu, mais qui ne tente rien n’a rien et même si vous vous cassez les dents au début, vous progresserez et peut-être alors qu’à force d’expériences vous deviendrez un jour ce pro qui déconseillera de suivre mon exemple.
Illustration : couverture du jeu Ardri