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Bilbo sur la litière de Smaug

Le système monétaire médiéval

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Fafnir, Smaug, … il est difficile de compter le nombre de pièces d’or qui composent la litière d’un dragon qui se respecte, un trésor incommensurable que tout aventurier rêve de découvrir un jour. Mais bien avant de prendre sa retraite pour compter le nombre de pièces d’or acquises en pourfendant un pauvre dragon qui n’avait rien fait, les aventuriers vont participer à l’économie du monde qui les entoure, et oui, car, il faut parfois revenir à la triste réalité, vivre en aventurier, ça coûte, et rien de telle qu’une bourse bien remplie pour en acquérir une seconde.

Les pièces

Sesterces
Sesterce de Trajan, 105 après J.-C. « Traianus denarius 105 90020184 » par Classical Numismatic Group, Inc. http://www.cngcoins.com. Sous licence CC BY-SA 2.5 via Wikimedia Commons

Le système monétaire classique d’un jeu de rôles médiéval fantastique utilise des pièces dont la valeur dépend des matériaux. Classiquement, les personnages courent après les pièces d’or, laissant la masse pour leurs suivants (les pièces de cuivre, d’argent, d’électrum… et de tout autres alliages improbables pour faire un tableau d’une dizaine de lignes). Dans le but de simplifier au maximum les calculs, ces jeux disposent d’un système monétaire basé sur des puissances de 10, … loin, très loin de la richesse incommensurable des monnaies médiévales, où, sur une même zone géographique, les pièces ne faisaient ni le même poids, ni la même proportion de métaux précieux.

Bref, une pièce est simplement un bout de métal plus ou moins précieux généralement rond. Deux facteurs vont être très important pour déterminer la valeur d’une pièce sa masse et le métal (ou l’alliage) employé, sa valeur étant basée sur son poids en métaux précieux (surtout l’or et l’argent).

La frappe des pièces

Les pièces sont frappées par des monnayeurs qui sont les seuls artisans autorisés à utiliser les coins disposant des empreintes de la monnaie locale. Ces coins, lorsqu’il n’est pas nécessaire de produire de la monnaie sont gardés par le seigneur local. A sa demande, les pièces de monnaies sont frappées une par une à partir de pièces vierges, les flans, qui pouvaient même être simplement des pièces différentes rendues lisses (auquel cas, on parle de surfrappe, l’ancienne marque pouvant même parfois se deviner). Les flans sont réalisés à la bonne taille et à la bonne masse dans le métal choisi, de l’or ou de l’argent habituellement.

Une nouvelle série de pièces sera mise en circulation que pour un événement marquant, les matériaux proviennent évidemment du trésor et des richesses du seigneur. Cette opération est toujours réalisée sous très haute surveillance, que ce soit sur l’a réalisation des flans qui doivent respecter un étalon défini, jusqu’à la réalisation des pièces mêmes… oui, normal, on va éviter qu’une série de pièce fasse deux fois le poids des précédentes ou encore, que le monnayeur s’en fasse une petite centaine de plus pour lui…

Uniformisation du système monétaire

La principale raison pour laquelle les pièces utilisent directement des métaux précieux est que la valeur d’une pièce, qu’elle soit ronde, percée, elfique, … ne dépendra que de sa masse. La conversion entre les monnaies d’un même métal est relativement simple, on compare au poids. Pour la conversion entre plusieurs métaux, là, des barèmes plus ou moins uniformes se mettent en place.

Bimétallisme et taux de change

Même si Donjons & Dragons dispose d’une vaste nuance de métaux différents pour son système monétaire : dans l’ordre, le cuivre, l’argent, l’or et le platine (l’électrum et le fer ont été largué au passage à la troisième édition !), dans notre monde les pièces se limitaient à deux métaux précieux, aussi appelé système bimétallique : l’argent et l’or. Le problème de ce système, c’est que les taux de changes mis en place ne correspondent pas forcément à l’écart de valeur réelle entre les métaux, basé sur leur rareté. Un certain Thomas Gresham énonça dans une loi selon laquelle « la mauvaise monnaie chasse la bonne ». En gros, le taux de change étant au profit de l’argent et non de l’or, il est préférable de dépenser l’or et d’accumuler l’argent, l’argent pouvant être vendu sur le marché des métaux pour une valeur bien supérieure à son acquisition…

De la même, rien ne devrait garantir un taux de change unique sur toute la surface d’une planète. A condition que les pièces sont toutes de la même masse, dans un pays, on pourrait très bien imaginer qu’une pièce d’or vaut dix pièces d’argent, dans un autre, une pièce d’or vaudrait 12 pièces d’argent… tout dépend du taux imposé par l’autorité en place. Maintenant, si en plus la taille et la forme des pièces sont différentes !

Si vous connaissez le Disque Monde, pensez un peu à Deuxfleurs et à son arrivée à Ankh Morpork avec un coffre bourré d’énormes pièces d’or… la valeur de l’or dans son pays est très faible du fait que c’est un métal tout à fait commun. Au contraire de l’Ankh-Morporkien de base qui pourrait commettre les pires crimes pour quelques piécettes du moment qu’elles brillent !

Qui pourrait avoir besoin d’uniformité ?

Dans un monde à l’échelle des Royaumes Oubliés, les guildes marchandes peuvent avoir les moyens d’imposer leurs systèmes monétaires sur les systèmes locaux. Même si ceux ci sont en vigueur dans une zone géographique limitée, il y a fort à parier qu’un marchand préfère disposer d’une monnaie la plus stable et la plus universelle possible, donc celle de la guilde qui devient alors le système monétaire de référence. Frapper sa propre monnaie permet de se rendre indépendant économiquement des autres pays, régions, … mais encore faut-il qu’elle puisse avoir une valeur au delà de ses terres.

Cette notion est très importante, car dans un pays où la monnaie seigneuriale a moins de valeur que la monnaie d’une guilde, il y a fort à parier que la guilde dispose d’un très grand pouvoir sur les seigneurs locaux. Pensez au Trône de Fer où les différentes nations doivent de grande quantité d’or à la Banque de Fer de la cité libre de Braavos.

Fausse monnaie

Fabriquer de la fausse monnaie est donc une tâche très aisée, à condition de disposer de matériaux suffisamment ressemblant aux matériaux officiellement utilisés pour les pièces (sinon, ça ne servirait pas à grand chose). Les fausses monnaies les plus basiques sont des simples flans non frappés dans un matériau commun (le fer principalement), cachés dans une bourse de laquelle le malandrin ne montre que les premières pièces (qui elles sont vraies). Ici, pas de travail particulier, c’est plus le bagout qui rentre le ligne de compte. Réaliser de la vrai fausse monnaie demande à disposer des mêmes compétences que pour en créer de la vraie : il faut trouver un graveur capable de reproduire les coins de la monnaie à copier, orfèvre capable de fournir un alliage suffisamment ressemblant à l’or ou l’argent, mais beaucoup moins cher, et un frappeur qui va finaliser l’ouvrage.

Pour écouler facilement la fausse monnaie, les brigands vont la répandre aux quatre coins d’une cité ou d’une région et surtout pas sur une seule et unique transaction. Ainsi, il est fort possible que n’importe quel commerçant puisse avoir une poignée de fausses pièces dans ses caisses… un geste classique pour identifier une fausse pièce d’or : la plier ! l’or est un métal très souple, une pièce d’or devrait facilement se déformer.

Références

Dans la littérature fantastique

  • La Huitième Couleur de Terry Pratchett, l’arrivé d’un regardeur richissime va exciter tous les voleurs d’Ankh Morpok
  • Timbré de Terry Pratchett, où comment des obligations et de la fausse monnaie peuvent mener un pays à la ruine
  • Le trône de fer de George R. R. Martins, où tous les seigneurs dépendent de la bonne volonté de la Banque de Fer

Sur d’autres sites, Wikipédia et des sites dédiés…


 

Illustration : Image extraite de « Le Hobbit : la désolation de Smaug » de Peter Jackson avec Martin Freeman © 2013 New Line et MGM

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